Terminus pour Railcoop, le tribunal de commerce de Cahors devrait prononcer la liquidation de la société coopérative

C’est la fin de l’aventure pour les coopérateurs de Railcoop. "Le tribunal de commerce de Cahors ne devrait pas avoir d’autre choix que de prononcer la le 15 avril la liquidation de notre coopérative", indique Railcoop dans un email adressé à ses 14 800 sociétaires. L’utopie de l’épargne citoyenne s’est heurtée au temps long du chemin de fer et aux investissements colossaux qu’il exige pour bien fonctionner.



En 2019, Railcoop affichait la volonté de rouvrir la ligne Bordeaux Lyon, abandonnée par la SNCF, mais reprise tronçons par tronçons par les TER des Régions. Ambition, six trains par jour, et un prix fixé à 38 euros. Du matériel acheté d’occasion et rénové devait apporter le confort à cette longue transversale qui passe par Périgueux, Limoges, Montluçon et Roanne. Un projet social et environnemental assurément dans l’air du temps. Mais le train a ses raisons que la raison de ses plus enthousiastes supporters semblait ignorer.



L’argent nécessaire n’a pas été apporté par les sociétaires. Une rame coute plusieurs millions d’euros et ne s’achète pas neuve d’un claquement de doigts. Il faut 3 ou 4 ans de la commande à livraison. Et d’occasion, le matériel délaissé par la SNCF avait besoin malgré tout d’une sérieuse modernisation. De sept rames, six en circulation une en réserve, la prévision de besoins passe à deux rames. Juste de quoi faire un aller-retour chaque jour.



Le train : du temps et beaucoup d'argent


Railcoop a levé plus de 8 millions er demi d’euros, répartis entre plus de 14 000 sociétaires et 36 collectivités. Bien, mais nettement insuffisant. En 2023 l’échec d’une seconde levée de fonds signe la mise en redressement judiciaire.



Il fallait 50 millions d’euros pour mettre l’entreprise sur les bons rails. Railcoop s’est tourné vers le privé et les banques, mais qui a envie d’investir dans un projet aussi incertain et sans réelle rentabilité ?

Et surtout sur un ligne abandonnée en raison de ses temps de parcours, soit plus de 8 heures de bout en bout, de son faible taux de remplissage.





La dure réalité du réseau ferré français


Les coopérateurs n’avaient visiblement pas mesuré la complexité de l'organisation d'un réseau ferroviaire. On ne fait pas partir un train comme on met un autocar sur la route du jour au lendemain. Il faut plusieurs années pour déterminer et réserver les sillons, soit l’autorisation de circuler à un horaire donné. Railcoop découvrait que, non, toutes les lignes ne sont pas ouvertes la nuit, que les cheminots qui les exploitent travaillent en poste, 2 x 8, 3 x 8, etc, et que, on doit tenir compte de ce qui existe déjà sur les voies et dans les gares. Et de surcroît sur une ligne transversale, fatiguée et tout juste dimensionnée désormais pour un trafic minimal…



L'aventure ruineuse du Fret


Et puis il y a eu, faute de pouvoir avancer aussi vite que voulu sur Bordeaux Lyon en voyageurs, l’aventure du Fret. La coopérative a recruté une quarantaine de salariés, loué trois locomotives et des wagons pour transporter du bois de Capdenac vers Toulouse. Là encore Railcoop a vu trop grand, de six trains prévus par semaine, elle n’a jamais réussi à en faire rouler que quatre, au mieux, et finalement deux en moyenne. Ouvrant un gouffre financier que la coopérative va trainer jusqu’à aujourd’hui…



Mauvais choix, mauvaises décisions, Railcoop a, sauf évènement de dernière minute, échoué dans son projet, mais aura au moins eu le mérite d’essayer de refaire rouler des trains là où la SNCF avait renoncé. Et de redonner au grand public, l’envie de reconsidérer le train comme un outil d’aménagement du territoire et de satisfaction de ses besoins quotidiens de déplacement.


Christophe Turgis

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