Le tramway revenait à Nantes il y a tout juste 40 ans

Il y a tout juste 40 ans, ce lundi 7 janvier 1985, un tramway moderne roulait pour la première fois dans une ville en France. C’était à Nantes, il neigeait et c’est à peu près tout ce qui bougeait en ville ce matin là. TF1 en avait l’info du jour au journal de 13h. On ne pouvait rêver meilleur image pour un retour de ce moyen de transport qui allait peu à peu s’installer dans le paysage des villes françaises. Nantes faisait alors figure de pionnière, et devenait la référence pour de nombreuses villes en France.

Le 7 janvier 1985, le premier tramway moderne en France circulait à Nantes sous la neige ! (Semitan)


Au milieu des années 1970, le secrétaire d’État aux transports, Marcel Cavaillé, avait identifié huit villes en France susceptibles d’accueillir un réseau de transport de tramway moderne, Bordeaux, Grenoble, Nancy, Nice, Rouen, Strasbourg, Toulon et Toulouse. Il était évident que le "tout voiture" cher au précédent Président de la République Georges Pompidou allait tout bonnement conduire les villes dans un mur de difficultés infranchissable !


Choc pétrolier en 1973, pollution, nuisances, urbanisme dégradé, encombrements, il fallait trouver le moyen de dépasser les bus coincés dans les embouteillages d’automobilistes peu soucieux de partager les voiries.


Le tramway moderne, circulant en site propre, allait permettre de sortie de cette impasse. Les métros étant hors des moyens des agglomérations françaises, cette version moderne, loin des trams brinquebalants d’autrefois, allait naturellement s’imposer en France.



Un concours et zéro candidat... plus un !


En 1975, l'État lance un concours pour le mise au point du futur Tramway Français Standard (TFS). C'est le groupement Alsthom - Francorail MTE - CIMT qui est retenu. Mais aucune des huit villes sollicitées ne répond ! Pourtant politiquement compatibles avec l'appartenance politique (centre droit) du secrétaire d’État.

Et c’est Alain Chénard (Parti Socialiste), maire de Nantes depuis 1977, qui attrape le tram au vol. Il voit là le moyen de moderniser sa ville. Cette décision lui coûtera son mandat, il ne sera pas réélu en 1983. La municipalité suivante, qui a fait campagne contre le tram, veut suspendre les travaux de pose des voies, mais le coup est parti, les rames sont  en cours de fabrication chez Alsthom à Aytré (Charente-Maritime), le tram sera mis en service avec quelques mois de retard, et sans jamais être inauguré ! 


Le tram de Nantes ou Tramway Français Standard, avec deux caisses et des attelages permettant des circulations en unités multiples en 1988 sur le Quai de la Fosse. (Wikimedia commons)

À l’élection municipale suivante en 1989, les nantais élisent Jean-Marc Ayrault (PS). Le temps du mandat de Michel Chauty (RPR), les nantais ont été conquis par le nouveau venu, et voyagent massivement à son bord.

Alain Chénard avait eu raison, et le tramway nantais devient alors un puissant levier de communication pour donner à la ville de Nantes, pas encore métropole, une image de jeunesse et de modernité. Jean-Marc Ayrault, soucieux du "vivre ensemble" sera l’artisan de la requalification des espaces urbains au long des voies des 3 lignes de trams construites l’espace de quelques années.



2 milliards de voyageurs en 40 ans


40 ans plus tard, le tramway de Nantes a transporté près de 2 milliards de voyageurs (sur un total de 4 milliards) et parcouru 141 millions de kilomètres (sur 888 millions effectués avec les bus). À Nantes, les 61 rames de trams transportent donc 1 voyageurs sur 2, mais parcourent six fois moins de kilomètres que les bus. On mesure l’efficacité de ce moyen de transport, et partant l’économie réalisée par la collectivité qui le finance.


Pourtant fort de sa réussite, le tram nantais a plus ou moins été mis en pause au début des années 2000. Il fallait concentrer les moyens économiques sur le réseau de bus vieillissant et peu efficace. Une ligne de BusWay était crée, reprenant le mode de fonctionnement en site propre des lignes de tram mais… sans les rails ! Avec des véhicules diesel, avant de devenir électriques par biberonnage récemment, c’est à dire rechargés en ligne lors des arrêts en station.


Le BusWay à Nantes en version électrique sur batteries (Ch Turgis)

Ont suivi des lignes dites Chronobus constituant le réseau de maillage de la métropole, fonctionnant avec la même amplitude horaire que les trams et les busways (4h le matin à 1h30 en semaine, 2h30 le week-end), mais bénéficiants seulement d’aménagements spécifiques là ou ça "coince" avec la circulation automobile.



2025 la reprise de l’extension du réseau de tram nantais


40 ans plus tard, les travaux du tram reprennent, partant de la station Chantiers Navals sur le quai de la Fosse, une extension va rejoindre Rezé au sud de la Loire. Nécessitant un nouveau pont sur le bras de la Madeleine, cette extension va traverser l’Île de Nantes, desservant au passage le nouveau centre de gravité de la Métropole et le nouveau CHU, et au sud du bras de Pirmil la nouvelle piscine Olympique.

Une extension qui va faire "d’une pierre deux coups", en remontant par la ligne 1, soit vers Saint-Herblain au nord-ouest, soit vers la Haluchère au nord-est de l’agglomération (lignes 6 et 7).


40 ans plus tard, les 46 premiers trams partent à la retraite, remplacés par des rames plus longues, donc plus capacitaires, et plus accessibles. Les premières rames n’avaient pas intégré la nécessité d’accueillir les personnes à mobilité réduite, (PMR), et avaient été "augmentées", au début des années 1990, d’une voiture centrale à plancher bas.


La métropole étend également le réseau au nord vers la commune de La Chapelle-sur-Erdre, où un nouveau centre technique destiné aux 61 nouveaux tramways Alstom Citadis X05 va ouvrir en 2025.




En complément


Lors du retour du tram dans les rues de Nantes le 7 janvier 1985, trois réseaux anciens circulaient toujours et avaient survécu à la vague de la "modernité automobile" qui avait fait disparaitre tous les autres durant les années 1950. Ce sont les réseaux de Lille - Roubaix et Tourcoing (une ligne en Y), Saint-Étienne et Marseille (une ligne chacune).


Depuis 1985, une trentaine de réseaux de trams ont été construits en France. Certains très courts, avec une seule ligne de 2,8 km comme à Aubagne, certains transfrontaliers sont desservis par le grand réseau voisin, Saint-Louis (Haut-Rhin) par les trams de Bâle sur 2,6 km, ou Annemasse (Haute-Savoie) par les trams de Genève sur 2 km.


Le réseau développé en Île de France compte 14 lignes sur 187 km, ce qui en fait le plus grand réseau de trams, devant Lyon avec 8 lignes sur 101 km.


On peut noter que, Nancy, sollicitée par la mission Cavaillé en 1975, n’a toujours pas de réseau de tram en 2025, mais est restée fidèle aux trolleybus ! Les villes de Limoges (pas de tram), Lyon et Saint-Étienne exploitent également des trolleys en plus des trams.


Christophe Turgis



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